CARLOS FUENTES
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CARLOS FUENTES
En inquiétante compagnie
Traductionde l'espagnol (Mexique)de Céline Zins

"J'habite un petit appartement dans une ruelle au coin de Wardour Street. Wardour est le quartier de Londres où l'on traite les affaires de cinéma et de télévision. Moi, mon travail consiste à suivre les indications du réalisateur afin d'assurer, très précisément, la fluidité narrative et la qualité technique du film — pelicula, en espagnol.
Pellicule. Le mot lui-même indique la fragilité de ces morceaux de « peau », hier en nitrate d'argent, aujourd'hui en acétate de cellulose, que je passe mes journées à manipuler en vue d'assurer la cohérence de l'œuvre; j'élimine ce qui pourrait créer des confusions, des ratés ou, pire, révéler l'inexpérience des auteurs du film. Le mot anglais « film » est peut-être meilleur, car il est plus technique, ou plus abstrait, que l'espagnol pelicula. Film évoque membrane, fine pellicule, brume, voile, opacité."

2004


2003

CARLOS FUENTES
Le Siège de l'Aigle
Traductionde l'espagnol (Mexique)de Céline Zins


"Tu vas penser du mal de moi. Tu vas me prendre pour une femme capricieuse. Et tu auras raison. Mais comment imaginer que, du jour au lendemain, les choses allaient changer aussi radicalement? Hier, alors que je venais de faire ta connaissance, je t'ai dit qu'en politique il ne faut jamais laisser de trace écrite. Or, aujourd'hui je n'ai pas d'autre moyen de communiquer avec toi que par écrit. Cela te donne une idée de l'urgence de la situation..."


CARLOS FUENTES
La frontière de verre

Traductionde l'espagnol (Mexique)de Céline Zins

"La Lincoln, au capot relevé cette fois, traversa rapidement le désert crépusculaire, froid et silencieux, qu’il emplit de bruit de moteur et de mécanique, faisant fuir les lièvres qu’on voyait bondir hors de la route droite, cette ligne ininterrompue jusqu’à la frontière où elle brisait le verre illusoire de la séparation, la membrane invisible entre le Mexique et les Etats-Unis, pour poursuivre son chemin sur les autoroutes du Nord jusqu’à la cité enchantée, la tentation du désert, illuminée, scintillante ."

1995


1990

CARLOS FUENTES
La campagne d'Amérique

Traductionde l'espagnol (Mexique) de Ève-Marie et Claude Fell

"La nuit du 24 mai 1810, mon ami Baltasar Bustos entra en cachette dans la chambre de la marquise de Cabra, l'épouse du président du Tribunal de la Vice-Royauté du Rio de la Plata, enleva l'enfant nouveau-né de la présidente et mit à sa place dans le berceau un petit Noir, fils d'une prostituée du port de Buenos Aires condamnée au fouet. "

 


1987

CARLOS FUENTES
Christophe et son oeuf
Traductionde l'espagnol (Mexique)de Céline Zins

 

"Le Mexique est un pays d'hommes tristes et d'enfants gais dit mon père Ângel (22 ans) au moment de m'engendrer. Juste avant, ma mère Angeles (moins de 30 ans) avait soupiré « Océan origine des dieux ». Mais le temps du bonheur sera bientôt passé et tous seront tristes, enfants et vieux, poursuivit mon père en ôtant ses grosses lunettes rondes, violettes, cerclées d'or, très johnlennonesques. Pourquoi veux-tu un enfant alors ? demanda ma mère dans un nouveau soupir.
- Le temps du bonheur sera bientôt passé.
- Et quand a-t-il jamais existé ?
- Que dis-tu ? Le Mexique nous porte malheur.
- C'est une tautologie. Le Mexique est fait pour nous porter malheur.
Puis elle insista :
- Alors pourquoi veux-tu un enfant ?
- Parce que je suis content, s'écria mon père, je suis content, cria-t-il encore plus fort en se tournant pour regarder les inlassables vagues de l'océan Pacifique ; je suis habité par la plus folle gaieté réactionnaire !
« Océan origine des dieux », et elle posa son édition des dialogues de Platon publiée par le recteur don José Vasconcelos dans les années vingt sur son visage : la couverture verte frappée de l'écusson noir de l'Université de Mexico PAR MA RACE L'ESPRIT PARLERA se macula de sueur coppertonique. "

 


1985

CARLOS FUENTES
Le vieux Gringo

Traductionde l'espagnol (Mexique)de Céline Zins

"Il est une frontière que nous n'osons franchir que la nuit, avait dit le vieux gringo : la frontière de nos différences avec les autres, de nos combats avec nous-mêmes."


CARLOS FUENTES
Terra Nostra

Traduction de l'espagnol (Mexique)de Céline Zins

"Que les eaux de la Seine se fussent mises à bouillir avait sans doute, trente-trois jours et demi plus tôt, été considéré comme une miraculeuse calamité; un mois plus tard, personne ne se retournait plus sur le phénomène. Les péniches noires, surprises par la subite ébullition, et qui avaient été violemment projetées contre la muraille du quai, avaient cessé de lutter contre l'inévitable. Les hommes du fleuve mirent leur casquette, éteignirent leur tabac noir, et grimpèrent sur le quai comme des lézards. Les squelettes des bateaux s'amoncelèrent sous l'oeil ironique d'Henri le Béarnais puis restèrent là, splendides ruines de charbon, de fer et d'éclats de bois."

1975